dimanche 16 septembre 2012

Déjouer les jeux - Les duos de chocs : quand un binôme d’acteurs créée la force d’une série





Salutations !
C’est avec un immense plaisir (et la permission des minous) que je viens à nouveau envahir vos écrans de commentaires sur la beauté du jeu des acteurs dans les séries TV. Aujourd’hui, on s’intéresse au jeu en duo, à travers quelques exemples. Eva Sautel.





Savoir jouer des monologues, c’est bien joli mais il est un défi encore plus grand : jouer à deux et ainsi partager la responsabilité de transmettre une émotion, une ambiance. Il implique une direction d’acteurs impeccable mais surtout, une grande confiance entre les deux partenaires. Pour certaines séries, la découverte d’un duo gagnant a donc été un atout de taille.
On ne parle pas ici des X Files, Bones ou autres Castle, dont un duo de personnages constitue souvent le pitch lui-même : regardez ces deux équipiers, rassemblés contre leur volonté et qui vont flirter sans résultat pendant cinq saisons… ces associations sont souvent artificielles et jouées avec peu d’intérêt.
L’installation d’un duo de personnages prend, en revanche, tout son sens lorsqu’il est intégré à une histoire plus large. La relation se doit alors d’être plus riche, plus complexe et jouée avec une grande subtilité par les comédiens : comment exprimer la communication entre deux personnages ? Comment, sans un mot, faire comprendre au spectateur la relation qui les lie ? Ci-joint quelques coups de cœur.

Ellen Pompeo et Sandra Oh : l’émotion brute




Et pour commencer, un des duos les plus émouvants de la tv : Ellen Pompeo et Sandra Oh, interprétant respectivement Meredith Grey et Cristina Yang dans la série Grey’s anatomy. Si le programme se trouve souvent critiqué (quelques fois à raison) pour une écriture très kitsch et un récit très mélo de la vie des chirurgiens du Seattle Grace Hospital, il recèle également quelques perles qui font toute sa qualité. Parmi elle, l’excellente rencontre entre l’interprétation des deux comédiennes principales. L’amitié des deux personnages est écrite par Shonda Rhimes dans la retenue et pousse le plus souvent les deux actrices à l’interprétation muette, ce qui, dans des scènes à deux, est une sacrée performance. Quoique privées de dialogues de type « tu es ma BFF à moi » ou d’étreintes constantes, les deux actrices parviennent ainsi à exprimer avec talent l’amitié fusionnelle qui lie les deux personnages.
Pour exemple, une scène illustrant plutôt bien les points forts de chacune. D’abord, on s’offre le plaisir de regarder Sandra Oh, qui sait sangloter mieux que personne et conserver, tout au long de la scène, l’énergie d’une pure et simple crise de nerfs. Quant à Ellen Pompeo, elle joue avec brio le silence consterné, le « c’est le bronx mais bon, on va attendre pour voir si ça s’arrange parce que là, j’ai pas l’énergie de faire autre chose ». Le contraste entre les deux est poignant.




John Spencer et Martin Sheen : la bataille des mots




Je vous avais déjà embêtés avec ces deux-là dans un précédent article, mais là, franchement, ce serait bête d’y couper : The West Wing, qui retrace les deux mandats  à la Maison Blanche du Président démocrate Josiah Bartlet. À la tête de ses collaborateurs les plus proches, Leo McGarry, son ami de 30 ans, lui offre soutien, conseil, et le recul pour prendre bon nombre de décisions complexes. Au-delà de la qualité de l’écriture, on admire le travail des deux acteurs qui parviennent à faire sentir dans leur jeu toute l’affection que les personnages ont l’un pour l’autre et l’histoire qu’ils ont en commun, sans perdre un instant la force de débats souvent virulents et toujours contradictoires. Une preuve parmi plein d’autres :



“This is the most horrifying part of your liberalism: you think there are moral absolutes”

Dans cette scène, Leo (John Spencer) parvient à convaincre le Président (Martin Sheen) d’organiser l’assassinat d’un diplomate du Moyen-Orient et chef d’un réseau terroriste. Le ton est calme et pourtant, les mots très violents sont ressentis comme tels, grâce à une interprétation toute en micro expression. Observez : Martin Sheen joue avec le regard alors que John Spencer mise tout sur le bas de son visage, mimiques et autres plissements de lèvres.


Jennifer Anniston et David Schwimmer : l’amuuuur fou




Certains la trouve ringarde, d’autres préfèrent le terme « culte », la série F.R.I.E.N.D.S. a en tout cas bien secoué, dans les années 1990, le monde de la sitcom grâce à des personnages attachants et des dialogues excellemment écrits. Mais si l’on a beaucoup critiqué ou adoré la série pour son écriture, il est plus rare qu’on s’arrête sur la qualité du jeu de ses acteurs.
Le casting compte pourtant au moins deux comédiens de grand talent : David Schwimmer (Ross) et Jennifer Anniston (Rachel), dont l’histoire d’amour est sans doute le fil rouge le plus important des dix saisons. Voilà donc nos deux acteurs face à un défi de taille : mêler l’interprétation comique de leur personnage (ce qui, pardon, est déjà une des choses les plus compliquées à jouer) sans jamais perdre l’immense nostalgie ressentie par les deux personnages, devant une relation amoureuse qu’ils ne parviennent pas à faire fonctionner.

Et parce qu’elle est culte, ne résistons pas à une vingt-millième vision de la scène du premier baiser entre les deux friends. Davis Schwimmer joue admirablement de la détresse de son personnage pour servir le comique : face à la fille qu’il aime depuis quinze ans, le paléontologue un peu coincé n’est plus qu’un adolescent bégayant et instable. La métamorphose est jolie et difficile à faire, on y croit : j’achète.
http://www.youtube.com/watch?v=Mrzji3KgNJc&feature=related

Eva Sautel


Eva Sautel a publié Les Postes Restantes chez l'Harmattan en 2012, collection Écritures. 


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